Relations dans le travail : changer l’inchangeable
Les organisations achoppent régulièrement sur des résistances au changement, voire des conflits. La façon naturelle d’appréhender les relations limite les réponses apportées face à ces difficultés. Les théories classiques de la communication peuvent être dépassées pour résoudre différemment les problèmes relationnels.
L’approche de Palo Alto (Californie) aide à changer de regard pour adopter un point de vue plus interactionnel. L’essentiel de cette modification consiste à rompre avec les prémisses linéaires (cause – effet), qui structurent largement la pensée occidentale depuis Descartes, afin de passer à une logique beaucoup plus circulaire.
Birdwhistell, un contributeur à la fondation de la démarche, a caractérisé cette différence en disant « on ne communique pas, on prend part à une communication ». Les interactions entre les personnes sont vues comme des boucles. Certaines participent à des cercles vicieux, d’autres alimentent des spirales vertueuses.
Les blocages sont analysés à partir de la description complète des comportements des personnes concernées : « Que fait ou dit le pôle émetteur ? Comment réagit le pôle récepteur ? A partir des informations obtenues comment le pôle émetteur prolonge t-il ou corrige t-il son action initiale ? ». Cette troisième question est la plus importante comme le souligne Claude Duterme, dans son ouvrage (DeBoeck, avril 2002) au sujet d’un nouveau rôle pour les services de communication interne. Y répondre met évidence que le réflexe est généralement de réitérer les tentatives de solution infructueuses pour résoudre le problème. Cela participe de plus de la même chose qui ne fonctionne pas et renforce les ennuis. Paul Watzlawick a écrit de nombreux ouvrages sur l’école de Palo Alto et résume cette approche en disant « c’est la solution tentée qui pose problème »
L’explication n’est plus cherchée dans ce que sont ou ne sont pas les personnes, ni dans l’arbitrage de la confrontation de leur personnalité mais dans le décodage de leurs comportements les uns vis-à-vis des autres. Dans cette façon d’envisager les relations humaines tout devient communication car il est impossible de ne pas se comporter. Un problème relationnel y est vu comme la qualité émergente de l’interaction entre les parties concernées (individus, équipes, services, activités, régions etc…). Chaque situation difficile est intéressante car elle permet de repérer les règles implicites et les impasses des pratiques de communication.
« Sois spontané »
De nombreuses difficultés sont dues à ce que l’on appelle des injonctions paradoxales. Elles consistent à la diffusion simultanée d’un ordre et d’un contre ordre. L’exemple le plus couramment utilisé pour illustrer cette notion est constitué par le message « sois spontané ».
Comment obéir en agissant spontanément ? Comment agir spontanément en obéissant à cet ordre ? Quoi que l’on fasse on se trompe. Dans ces situations, il est impossible de se comporter de façon rationnelle.
Dans l’entreprise, les injonctions paradoxales sont fréquentes. Par exemple, un effort tout particulier est demandé aux salariés de faire preuve de souplesse aux « ordres » d’adaptation de la direction.
Une autre demande fréquente est de savoir prendre des initiatives et d’être responsable dans les cadres de plus en plus rigides que les nouveaux systèmes d’information contribuent à créer.
Repérer et mettre en évidence ces injonctions est la première étape pour redonner de la souplesse aux organisations.
Les travaux de Gregory Bateson, ethnologue d’origine britannique, sur la nouvelle communication sont à l’origine du développement de l’approche dans les années 50. Peu comprise à l’époque, les mentalités actuelles sont plus ouvertes à sa connaissance et sa pratique. Il y a fort à parier qu’au vue de son élégance et de son efficacité pour “changer l’inchangeable”, comme le dit Richard Fish, le Directeur du centre de recherche de Palo Alto ; elle suscitera un réel intérêt pour faciliter le déblocage des situations apparemment sans issue.
Olivier Millet
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