De quoi avez-vous le plus peur dans le monde d’après ?

Une première synthèse des résultats à notre questionnaire du 30 avril dernier

Olivier Millet – Anna Clark

Nous avons obtenu 175 réponses au questionnaire que nous avions lancé le 30 avril 2020. Les résultats montrent les différentes peurs des interrogés face aux crises que nous traversons, que l’on pourrait classer en cinq thématiques : peurs liées à 1) la crise sanitaire, 2) la crise économique, 3) la crise écologique, 4) la crise sociale, 5) la crise politique. Au-delà de ces thématiques, une peur semble centrale et lancinante : que rien ne change et que tout redevienne comme avant.

Crise sanitaire

 

Etant donné le contexte sanitaire actuel et l’épidémie de coronavirus qui a sévi ces derniers mois, les peurs individuelles et collectives sont d’abord centrées sur la santé. Peur de tomber malade, peur de contaminer ses proches, peur d’avoir des problèmes de santé, peur d’une deuxième vague qui pourrait arriver. Il est intéressant de relever que cette question de la santé est présente mais non centrale dans les témoignages recueillis.

Crise économique

 

La crise du Covid-19 s’accompagne d’une crise économique, puisque l’économie a été brutalement stoppée ou ralentie. Les peurs autour de la question économique sont à la fois individuelles et collectives. Il y a la peur de perdre son emploi, de manquer de ressources, de ne plus trouver de clients. Mais certains redoutent aussi que la pression d’augmente encore plus pour faire face à la reprise économique et pour rattraper le temps perdu, mais également de retourner à un emploi qui se caractérise par l’ennui et le manque de sens. Au niveau collectif, sont craintes les difficultés économiques qui s’annoncent, l’augmentation du chômage, l’accroissement des inégalités, plongeant davantage de personnes dans la pauvreté.

 

Crise écologique

 

L’épidémie actuelle renvoie à une crise d’une ampleur encore plus profonde, celle de l’écologie. Plusieurs interrogés craignent que la crise du Covid-19 n’ait aucun impact sur une évolution des attitudes et des comportements à l’égard du climat, que les choses continuent comme avant et que l’homme n’ajuste pas sa place dans le système global dont il fait partie. La peur est aussi que l’économie reprenne le pas sur l’écologie et que l’action soit privilégiée au mépris des conséquences sur l’environnement et donc de voir les difficultés climatiques être amplifiées.

 

Crise sociale

 

La crise sanitaire s’accompagne d’une crise sociale profonde, par les changements qu’elle a induits dans le lien social. Tout d’abord elle a changé nos relations, en nous obligeant à nous confiner et à respecter les gestes barrières. Les peurs liées à ces changements sont nombreuses : peur de la solitude, peur d’une méfiance des uns envers les autres, peur d’un repli individuel et de la montée de préoccupations plus individualistes. La crise sociale est également alimentée par les difficultés économiques, affectant profondément le lien social, chacun tentant de trouver une solution à ses problèmes. L’augmentation des inégalités et les fractures sociales qu’elle engendre pourrait produire des effets délétères.

 

Crise politique

 

Cette crise sociale se prolonge dans la crise politique. Plusieurs interrogés ont évoqué éprouver du ressentiment, de la colère à l’égard des technocrates qui gouvernent et la perception du manque de bon sens de leurs décisions. Pour lutter contre l’épidémie, les libertés ont été réduites et plusieurs craignent une rigidification des règles de fonctionnement collectif, mais aussi les dérives totalitaires, l’augmentation des violences et des contestations, la montée des extrêmes, du populisme ou du totalitarisme.

 

Une peur centrale : ne pas changer

 

Mais la peur centrale exprimée dans cette étude est vraiment la peur que rien ne change, un retour à ce qui existait avant, repartir de plus belle vers un monde caractérisé par le stress, la surconsommation, l’argent, la course au pouvoir, la pollution, les inégalités sociales, l’égoïsme. Peur aussi de se perdre, de se faire happer, d’accepter l’inacceptable et de finalement être passé à côté d’une opportunité de changer les choses. Le retour à la normale serait facilité par une sorte d’amnésie de l’expérience vécue au cours du confinement. Le risque serait que les énergies soient mises à rétablir l’équilibre antérieur plutôt que d’en établir un nouveau. Plusieurs y voient là le spectre d’un futur qui n’apporterait rien de nouveau et même marquerait le retour à une situation bien pire pour les générations futures.