Les stratégies du Manager jardinier pour la reprise :

 

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5 recommandations pour accompagner la peur du déconfinement dans les entreprises

Anna Clark & Olivier Millet

Après deux mois de confinement, d’arrêt brutal de l’activité économique et d’angoisse du lendemain, le 11 Mai signe le passage à une nouvelle étape, celle du déconfinement. Tous, managers, salariés, indépendants, commerçants, fonctionnaires préparent la reprise du travail dans des conditions sanitaires strictes. Des protocoles sont rédigés pour permettre à chaque secteur, chaque filière, chaque branche, de mettre en œuvre ces conditions tout en les adaptant aux particularités de leur organisation.

Si ces conditions se veulent des mesures de précaution pour sécuriser chacun, rien ne dit qu’elles seront suffisantes aux yeux des personnes, des familles, des partenaires sociaux…

En effet, la peur que chacun peut ressentir dans la perspective du déconfinement peut prendre des degrés très différents d’une personne à une autre. L’étendue de celle-ci peut aller du quasi néant à un envahissement très élargi et profondément inhibant, jusqu’à mener la personne à ne plus réussir à sortir de chez soi. Au-delà des précautions prises, les managers et décideurs vont avoir à faire avec une part inévitable de subjectivité qui dépend des perceptions de chacun.

Car la peur ne va pas disparaître avec le déconfinement. Peur du virus, peur de tomber malade, peur de contaminer un proche, peur d’être en contact avec les autres, peur de sortir dans la rue, peur de mourir, peur de retourner au travail, peur de ne pas y arriver. Les peurs sont plurielles et elles sont toutes légitimes.

Parvenir à faire avec ses émotions et celles de ses collaborateurs est une étape primordiale pour un déconfinement dans des conditions moins délicates, un peu plus apaisé, dans la lignée de notre stratégie des petits pas.

La peur est l’émotion généralement ressentie face à un danger ou une menace (réel ou supposé, concret ou impalpable). Elle est vitale et nécessaire car elle contribue à notre survie.

Que nous dit l’approche systémique sur la peur ? Celle-ci peut-elle nous apporter des éléments de réponse à nos questions ? Que peut faire le manager jardinier dans ce contexte ? Voici quelques questions, auxquelles nous allons tenter de répondre ici.

L’approche systémique de Palo Alto privilégie une position non normative, non pathologisante et responsabilisante pour accompagner les personnes confrontées à des problèmes (une peur envahissante, un déconfinement redouté) Quelles que soient les mesures de précaution prises, ce sont les personnes concernées par ces mesures qui évalueront leur adéquation à répondre à leurs inquiétudes. Dit autrement, ce n’est pas parce que le système (ici l’entreprise) prend des mesures conformes en termes de sécurité qu’une personne va se sentir sécurisée. Il n’y a qu’elle-même qui puisse apprécier si le dispositif en place lui permet d’oser se confronter à un niveau de peur acceptable pour elle. Au-delà des conditions sanitaires recommandées et mises en œuvre, nous pensons, d’un point de vue responsabilisant, que  chacun peut aussi et devrait prendre les mesures complémentaires de nature à ramener sa peur à un niveau acceptable.

Lorsqu’une personne est confrontée à une peur envahissante et inhibante, ce qu’elle a tendance à faire, les conseils qu’elle peut recevoir ou l’aide qui lui est prodiguée peut, lorsque ces méthodes de bon sens ne fonctionnent pas, augmenter la peur pour la personne concernée. Dans ces situations, nous disons que les tentatives de solutions alimentent et renforcent le problème.

Les tentatives de solution privilégiées face à la peur par les personnes concernées sont de deux natures :

  • 1) L’évitement (mais plus on évite, plus on a envie d’éviter) : on évite le métro, le rapprochement avec les collègues, les passants etc et moins on se réinstalle dans la vie et plus on a peur.
  • 2) La demande d’aide qui se rigidifie (mais plus on demande de l’aide, moins on se sent capable de).

Les tentatives de solution privilégiées par l’entourage des personnes concernées peuvent échouer sur de vaines tentatives de rassurer.

Ainsi, ce qui ne va pas marcher pour les managers, c’est deux tentatives de solutions :

  • Trop inciter, ou tenter de convaincre les salariés de revenir sur leur lieu de travail ;
  • Trop en faire pour tenter de leur venir en aide.

Au-delà de la prise de mesures de protection, un manager ou décideur plus jardinier dans sa sensibilité et sa pratique, fait confiance, à ses collaborateurs plus effrayés, dans leur capacité à revenir à leur rythme vers une mode d’interaction sociale plus ou moins inquiétant pour eux.  Il leur donne la possibilité de faire à leur rythme et selon leur organisation personnelle, les plus petites expériences d’interactions sociales, qui ne mettent pas trop en danger, ni ne les  exposent trop de leur point de vue.

Paradoxalement, pour accélérer le retour vers une souplesse de vie au travail, il faudrait permettre aux salariés de prendre leur temps pour parvenir à vivre avec un certain niveau de risque acceptable de leur point de vue.

=>En un mot : « Sachez freiner le déconfinement et la reprise pour mieux les accélérer ».

Voici les 5 recommandations que privilégie un manager ou un décideur jardinier face à la peur que peuvent avoir ses collaborateurs.

*Il se conforme aux recommandations liées à l’urgence sanitaire ;

*Il ne force personne à rien mais laisse chacun se déterminer sur ce qu’il souhaite ;

*Il respecte les craintes de chacun et l’encourage à la prudence ;

*Il est ouvert au dialogue afin de comprendre le point de vue de ses collaborateurs ;

*Il invite chaque personne encore trop inquiète à imaginer les solutions complémentaires, qu’elle pourrait mettre en œuvre, à son niveau, pour faire face aux craintes que les dispositions sanitaires de circonstances n’arrivent pas à atténuer pour elle-même ;

Le déconfinement crée un contexte, des réflexions et des expériences renouvelées de pratiques managériales pour faciliter une reprise dans les conditions les plus facilitantes.  Ces germes peuvent nourrir l’émergence d’un management jardiné,  attentif à chaque personne.