Le diagnostic interactionnel : une intervention systémique, interactionnelle et stratégique.

Il consiste en une démarche d’état des lieux et d’intervention très efficace auprès d’une équipe, d’un comité de direction ou d’une entreprise confrontée à une situation de collaboration ou de changement bloquée.

Un recueil d’informations interactionnelles pour décrire des difficultés plutôt que de chercher à les expliquer.

Dans une situation préoccupante, la réalisation d’un diagnostic interactionnel consiste à identifier les composantes d’un problème à l’aide d’un ensemble d’interviews. L’information recueillie facilite le repérage : des personnes les plus mobilisables pour la transformation de la situation ; des modèles d’attitudes et de comportements qui alimentent, maintiennent et renforce les difficultés.

Lorsque, je réalise un diagnostic interactionnel, je commence par repérer un système pertinent d’intervention à partir de la demande formulée par mon client. Ce travail consiste à constituer un échantillon aléatoire et représentatif pour recueillir une information utile pour intervenir.

La grille d’interview est très sobre. Elle se concentre sur le recueil d’exemples qui illustrent le fonctionnement satisfaisant et insatisfaisant de la situation sur laquelle il s’agit d’intervenir. Aucune question ne vise à rechercher dans les différents points de vue une explication des problèmes. Au moment des interviews, ce qui va retenir mon attention, c’est ce que chacun répète. Comme une “musique de fond” cela souligne ce que je pourrais aisément dire pour décrire les attitudes et comportements des personnes qui participent de près ou de loin à la difficulté.

Afin de réussir au mieux cette phase, je prends la précaution de réaliser un travail d’information préalable au cours duquel j’explique ma façon de travailler. Je donne des informations sur la manière dont je m’organise pour préserver la confidentialité des informations qui me sont transmises et je prends devant tous un engagement de restitution. Tout au long des interviews, j’apporte une attention spécifique au questionnement systémique afin d’être capable d’obtenir le récit par chacun de séquences interactionnelles. Par expérience, je sais que dans une situation relationnelle dégradée, chacun privilégie des comportements qui lui semblent logiques, mais qui, la plupart du temps, entretiennent ou accentuent les problèmes. Il s’agit, à la faveur de cette prise de connaissance approfondie de la situation, de caractériser et de repérer les “habitudes actuelles limitant les possibilités de changement”.  J’adjoins un dispositif de recueil complémentaire de l’information pour que les personnes n’ayant pas eu la possibilité de participer aux interviews puissent me faire connaître leur point de vue.

Une synthèse systémique qui co-responsabilise et potentialise les changements.

Une fois l’information recueillie, le travail se poursuit par une synthèse et une analyse. La synthèse consiste à reformuler par écrit ce qui a été entendu de façon récurrente et de vérifier la précision de cette reformulation auprès des ensembles de personnes concernées. Le diagnostic interactionnel ne consiste en aucun cas à désigner des responsables d’une situation mais plutôt à rendre compte d’un état des lieux et de vérifier que les personnes concernées s’y retrouvent. Aucun élément nouveau sur l’organisation n’apparait dans ce travail de reformulation. Cependant cette mise en forme amène les personnes concernées à valider leur point de vue.

Ne cherchant pas à prendre parti, la suite du travail consiste à analyser les difficultés en regard d’une lecture systémique de celles-ci. La lecture systémique est non normative. En aucun cas, elle ne vise à distribuer des bons ou des mauvais points à qui que ce soit ou en référence à une quelconque grille savante de référence. Plutôt, elle s’astreint à montrer comment toutes les parties concernées se comportent logiquement de leur point de vue. Et comment, les positions des uns et des autres se répondent fort logiquement.

Ce travail d’analyse et de synthèse est très qualitatif et sa réalisation prend du temps. Par expérience, je compte un rapport de 1 à 4 entre le temps passé en interview, celui consacré à l’exploitation de l’information et la mise en forme d’un document de synthèse. Tentant de profiter de l’évolution des systèmes d’informations, je cherche actuellement des outils d’analyse qualitative des données susceptibles de me faciliter la transcription des entretiens et le repérage des redondances interactionnelles signifiantes.

Une restitution  envisagée comme une intervention stratégique sur le système pour mobiliser les parties prenantes.

J’observe par expérience que la restitution est la plupart du temps un moment crucial dans l’intervention. En effet, en ayant fait l’effort de reformuler le point de vue de chacun et en m’attachant à montrer comment les personnes se font la courte échelle dans la situation, je parviens généralement à ce que les individus concernés indiquent qu’ils se sentent co-responsables de la situation. Cela constitue une évolution significative de la situation car d’un contexte où chacun à tendance à incriminer l’autre, les parties envisagent la situation sous un angle nouveau de responsabilité mutuelle. Il arrive parfois que cette évolution suffise, mais la plupart du temps, elle ne constitue qu’une première intervention nécessaire pour assouplir le système relationnel afin de faire germer d’autres changements plus amples. C’est alors, un accompagnement régulier sur huit à dix mois qui contribuent à enraciner durablement la transformation des situations.

La restitution est sous ma responsabilité. Je décide en fonction du contenu du diagnostic par qui commencer et poursuivre. Aucun document n’est adressé aux personnes concernées sans leur avoir été présenté en face à face. Toutes les personnes ayant participé au recueil de l’information disposent du même rapport. Aucune information n’est dissimulée aux personnes interviewées. Ainsi elles peuvent se faire une idée très précise de la façon dont j’ai utilisé l’information qu’elles m’ont confiée.

Dans cette manière de venir en aide, lorsque j’ interviens sur une situation de travail dégradée, je scelle un accord « public » entre l’intervenant, l’ensemble des personnes concernées et les responsables hiérarchiques, sur une définition commune du problème à traiter à l’aide d’un diagnostic interactionnel. D’une démarche initiée par un responsable commanditaire, je parviens à un accord avec les personnes impliquées sur une nouvelle construction du problème. C’est important, car dans une situation de crise, les différentes parties prenantes ont tendance à se rejeter mutuellement la faute ou ne pas se sentir influant pour sa résolution.

Olivier Millet