L’organisation vue comme système de communication.
L’analyse d’une communication, en dehors du contexte où elle a lieu, n’a pas de sens !
Partir du principe de l’organisation vue comme système de communication, c’est accepter de croire qu’une « communication, lorsqu’elle est analysée seule, n’a pas de sens, car elle n’existe que par et dans un système d’interactions. Comprendre la signification d’une communication exige toujours de la replacer dans le système total dans lequel elle s’insère. » (Mucchielli, 1998, p 31).
Ce type d’approche systémique (École de Palo Alto) privilégie une analyse des interactions “ici et maintenant” montrant comment le système total fonctionne, plutôt que de privilégier une démarche qui expliquerait les “causes” de son état.
Ce point de vue souligne la différence entre la définition de l’entreprise comme système de communication et la définition de l’entreprise comme un système dans lequel les interactions ne constitueraient qu’un sous-ensemble d’un ensemble plus vaste : « En définissant l’organisation comme système de communication, on se met dans une position où la compréhension du système passe par le repérage des redondances qui structurent les interactions entre les membres. » (Duterme, 2002, p 72). « Le système d’interactions ainsi repéré devient alors un jeu avec les règles permettant les coups à jouer. » (Mucchielli, 1998, p 32).
« Une règle est une inférence, une abstraction – ou plus précisément une métaphore forgée par l’observateur pour rendre compte de la redondance observée. Ainsi, la règle est alors une inférence et l’on ne sait pas si elle existe quelque part “en réalité”. Elle est une sorte de commodité, on peut dire que “tout se passe comme si” elle existait. Elle permet de rendre compte de l’existence des phénomènes observés. » (Jackson, 1981, p. 35).
Le modèle de Palo Alto, en abordant l’organisation comme système de communication, s’attache à y décrire les interactions à l’œuvre: « Des redondances comportementales apparaissent à l’intérieur du système, se maintiennent (au moins provisoirement) et font donc sens pour les individus qui y trouvent de l’ordre (de l’information, de la stabilité). » (Duterme, 2002, p 71). La compréhension du fonctionnement de l’organisation se déduit des interactions qui s’y déroulent au sens large, c’est-à-dire entre individus, mais aussi entre individus et éléments matériels, comme des outils de production, mais aussi immatériels comme les règlements et procédures, les statuts. Dans ces interactions sont observées des redondances, dont se dégagent des modèles de redondances qui donnent des informations sur les règles du jeux, implicites pour la plupart et explicites pour certaines, qui contraignent et organisent les interactions possibles à l’intérieur du système et en relation avec son contexte.
La différence entre une analyse systémique et l’approche interactionnelle de Palo Alto, c’est que « la clé de la compréhension des “choses” – en particulier, ici, de l’entreprise – est liée à l’information. Ce qui permet d’analyser les phénomènes en général n’est plus l’observation de la transformation ou de l’échange de matière ou d’énergie, mais bien l’observation de la circulation et du traitement particulier des informations à l’intérieur du système. C’est l’information qui crée de l’ordre. C’est par l’information que l’observateur “comprend” les phénomènes observés, en particulier les phénomènes humains. L’information surgit des comportements en interaction et c’est donc ces derniers que l’observateur s’attachera à repérer. Dans ce cadre, les flux de matière ou d’énergie, les systèmes techniques ou financiers ne constituent pas des données indépendantes, mais sont bien le résultat de comportements en interaction et de l’information qui s’en dégage et ordonne les flux. » (Duterme, 2002, p 71).
Duterme C., (2002), La communication interne en entreprise. L’approche de Palo Alto et l’analyse des organisations, Bruxelles, De Boeck Université.
Jackson D.D., (1981), L’étude de la famille. In Watzlawick P., Weakland J., (1981), Sur l’interaction, Paris, Seuil.
Mucchielli A., (1998), Approche systémique et communicationnelle des organisations, Paris, Colin.
Olivier Millet